La taupe et le mélèze
Tchac !… Mon chapeau venait d'accrocher un roseau qui poussait au bord du sentier.
— Oh, pardon ! Bonjour…, bredouillai-je.
— Ça ne fait rien ! J'ai l'habitude. Tu sais, beaucoup de visiteurs me bousculent. Veux-tu que je te raconte une belle histoire ?
— Oh oui, volontiers !
— En fait je tiens cette histoire d'un pinson qui s'était posé sur moi un jour de l'été dernier. Et voici ce qu'il m'a raconté :
— Par un bel après-midi, je sommeillais confortablement installé sur la plus haute branche d'un mélèze. Le vent sifflotait gaiement de jolies mélodies à travers les aiguilles. C'était magnifique…
Soudain la musique cessa. Tout l'arbre se mit à trembler et dans mon demi sommeil j'entendis chuchoter : « Halte, halte ! ». En même temps j'entendis comme un sourd Groub, Groub!… Groub, Groub!…
Tout à fait réveillé à présent j'ouvris les yeux. Et quelle surprise ! Devant nous, le mélèze et moi, s' étendait une chaîne de noires montagnettes que je n'avais pas remarquées avant de m'assoupir. Et de nouvelles montagnettes poussaient, se dirigeant vers mon hôte. Groub, Groub!… Groub, Groub!…
— Arrête, arrête ! Ne cessait de supplier le mélèze. Et le bruit du Groub, Groub!… cessa soudain et, chose incroyable, une perle noire émergea du sol.
Snouff, schnouff!… C'était un petit museau!…
— Oh, pardon ! murmura la petite bête dont les yeux étaient à demi fermés. Je construis ma maison. Il y fait si sombre et je suis très myope. Je ne veux pas te déranger et je ferai un petit détour.
— C'est gentil de ta part, susurra le mélèze de ses rameaux. Mais, dis-moi, c'est une drôle de maison que tu fais là !
— C'est ainsi que nous vivons, dit la taupe (car c 'était une taupe). Notre travail est d'aérer le sol. Nous creusons la terre afin qu'elle puisse bien respirer. Comme nourriture nous mangeons des vermisseaux. Mais, excuse-moi, je dois continuer à creuser. Au revoir !
Et la taupe reprit son travail en faisant un petit détour.
Groub, Groub!… Groub, Groub!…
— N'est-ce pas étonnant ? dit le mélèze.
À ce moment le jeune mélèze secoua de joie ses rameaux et il aurait même dansé s'il l'avait pu. En même temps j'entonnai mon plus joli chant.
Le roseau en avait fini avec son histoire. Je le remerciai, réajustai mon chapeau et tout pensif et content je repris mon chemin.
Dominique Dubois